Petit Jules

Cet enfant je l’ai attendu trois longues années après avoir fait une fausse couche en juillet 2000. Lorsque j’appris en juillet 2003 que j’étais enceinte, ma joie fut si grande que des larmes coulaient le long de mes joues.
Ce petit être qui allait grandir en moi , je l’aimais déjà tellement.
Les trois premiers mois de grossesse ont été emprunts de la peur de le perdre et puis l’envie d’y croire a fait son travail. Je savourais chaque jour et m’émerveillais de voir mon ventre s’arrondir. Je ne parlais plus que de lui, de ce bébé qui faisait de moi une maman, de notre couple des parents.
A l’examen du cinquième mois, j’apprends avec une vive émotion que j’attends un petit garçon et que tout va bien . J’apprends aussi que je développe un diabète gestationnel et que le taux trop élevé va nécessiter une hospitalisation en diabétologie dès le lendemain.
Je suis rentrée à la maison bouleversée, les médecins avaient eu un discours dur et on me prenait mon bonheur d’une grossesse sans soucis.
J’ai passé une semaine en diabétologie où j’ai appris ce qu’était le diabète, il a fallu me mettre sous insuline et le taux ne baissait pas. De plus, le climat ne parlait que de maladie, de mort, insupportable dans mon état.
Je sentais mon petit bouger en moi et essayais de vivre cette situation le plus sereinement possible. Le 02 décembre 2003 à 20h35 ,je rompais la poche des eaux. Je n’ai pas compris ce qui se passait mais lorsque j’ai réalisé j’ai appelé les infirmières qui ont tenté de me calmer et qui m’ont descendue en salle d’accouchement . Il était beaucoup trop tôt, je n’étais qu’à 24 semaines de grossesse. Si l’enfant naissait, il ne serait pas viable. Mon compagnon à mes côtés, j’ai prié le ciel de le garder dans mon ventre encore quelques semaines. C’était irréel, je le désirais tellement. Huit jours ont passé et je développais une infection . Il était urgent de me transférer dans un centre régional qui pourrait prendre l’enfant en charge.
J’ai accouché le 10 décembre 2003 à 1h42 du plus beau petit bébé que j’avais jamais vu. Jules a crié de suite et j’ai pu l’embrasser avant qu’ils ne l’emmènent en réanimation néo-natale. Je n’ai pas vu sa petite taille (35 cm) et son petit poids (980 gr), j’ai vu qu’il était vivant.
Les heures qui ont suivi , c’était l’angoisse de ne pas savoir, de ne pas le voir. Nous avons pu le voir le matin vers 10h30. On n’a vu que lui, il était tellement petit mais si parfait. Alors a démarré un autre combat, celui de nous battre auprès de notre petit et de lui apporter la force de se battre par notre amour. Les médecins nous rabâchaient qu’il était trés fragile, né trop tôt (25 semaines). Nous sommes passés par des moments difficiles car Jules a fait deux infections importantes. Nous avons toujours été pleins d’espoirs, ça ne pouvait pas mal se passer. Les jours ont passé et notre enfant s’éveillait à la vie. Nous avons pu le prendre dans nos bras, le sentir et l’embrasser. Début janvier il a été extubé et une semaine après il respirait seul. Il était nourri par sonde gastrique et chaque jour on augmentait ses doses de lait. On nous répétait : “Jules va bien ” . Il faisait l’admiration de l’équipe, tout le monde venait le voir, il a été filmé avec notre accord pour étudier le comportement des prématurés. Nous pouvions l’habiller, je lui confectionnais des petites brassières à sa taille (42 cm) et lui faisais aussi ses petits draps, ma façon de participer. Le 05 février 2004, Jules est passé dans le service des soins intensifs , il allait bien et on nous parlait de transfert pour le rapprocher de notre domicile. Nous n’avions plus de doutes, ni de craintes , ce petit courageux avait l’énergie pour se battre et il voulait vivre. On allait le ramener à la maison d’ici 5-6 semaines. Alors, nous avons fait des achats (chambre , poussette). Et, puis le dimanche 09 février, Jules a commencé à faire des malaises, il faisait des pauses respiratoires. Aucun signe d’infection n’a été décelé, aucun manque, aucune anomalie. Nous sommes restés avec lui jusqu’à 1h du matin , l’infirmière nous répétait que ça allait bien se passer. J’ai appelé toute la nuit, les analyses ne montraient rien. Lorsque nous sommes arrivés le lundi  après-midi, la pédiatre nous a reçu de suite pour nous dire que ça n’allait pas du tout. Je n’arrivais pas à l’écouter je voulais voir mon enfant. Lorsque nous sommes arrivés prés de lui il avait été réintubé et on lui avait reposé un catéther. Il allait mal sans explications. Son état s’est dégradé sur quelques heures, la fonction rénale s’est bloquée et le taux d’acide urique dans le sang ne cessait d’augmenter ainsi que le taux de potassium. La pédiatre est restée impuissante près de lui, ne comprenant pas. Notre désarroi et notre souffrance étaient si grands, Nous ne pouvions pas l’aider. Nous lui avons parlé pendant six heures. J’aurai tant voulu pouvoir respirer pour lui, il n’était pas resté avec nous 2 mois pour partir aussi brutalement. Il continuait à faire des malaises de plus en plus lourds, nous l’avons vu souffrir, on ne pouvait l’entendre pleurer car intubé, et pourtant il pleurait, ses larmes coulaient le long de son visage et elles en disaient long . Il ne pouvait plus et pourtant il s’était battu mais c’était trop dur . Il ne voulait pas partir ça j’en suis sûre. Ils nous ont demandé à un moment de nous reposer dans une chambre juste à coté car ils nous disaient ” Il a besoin de ses parents en forme “. Nous l’avons embrassé et dit que nous l’aimions et qu’il avait le droit de partir si c’était trop dur.
A peine sortions nous de la chambre que l’infirmière nous rattrapait. C’était fini , Jules était parti. J’ai hurlé et me suis effondrée . Ils ont dû me porter pour aller jusqu’à lui. Je l’ai gardé deux heures dans les bras, je n’arrivais pas à lui dire au revoir. C’était si injuste !! On n’avait pas le droit de nous le prendre , il allait si bien. Et puis, je l’ai habillé et remis dans sa petite maison . Les obsèques ont eu lieu, la mise en bière a été un déchirement, je suppliais mon compagnon d’empêcher ça. Nous avons choisi la crémation pour pouvoir le ramener à la maison car c’est sa maison. Tout le monde n’a pas compris mais ça je m’en fous, c’est mon enfant et il doit être près de moi dans un endroit vivant. Nos murs sont couverts de ses photos et notre mémoire remplie de son souvenir. Je veux penser à lui avec le sourire car il a été notre rayon de soleil, il a illuminé notre vie.
Aujourd’hui c’est dur de ne plus l’avoir, ne plus le sentir, ne plus l’embrasser , le toucher , lui parler,nous avions tellement de projets avec lui.
Il a été et restera à jamais notre petit Jules, notre petite merveille.

Jessie, février 2004