Certains mots, certaines réflexions, réveillent votre colère et réactivent votre souffrance. Nous vous proposons de lire certains témoignages en ce sens.
Perdre un enfant pas encore sorti de son ventre, ou à peine, est une chose terrible, inimaginable… une très grande souffrance, une expérience inhumaine…. Cela vous emmène sur un chemin de deuil long et éprouvant.
Tout au long de ce chemin pas comme les autres, vous êtes souvent confrontés à des réactions et/ou des commentaires qui vous blessent profondément et qui réveillent votre colère. Ce dont vous vous passeriez bien vu l’état de fragilité dans lequel vous vous trouvez déjà…
Les groupes de paroles mis en place par l’Association permettent déjà de confier tous ces petits gestes, ou ces petites phrases, parfois anodines pour les autres, mais si douloureuses pour vous. Seulement, tous les parents n’ont pas toujours le temps, ou l’envie, d’y participer.
Alors, nous avons pensé que vous offrir un espace sur le site, où vous pourriez les inscrire, les partager avec d’autres parents endeuillés serait réconfortant et libérateur.
Ces pages vous appartiennent désormais. Précisez sur votre mail “les mots qui font mal”.
À la suite de l’effondrement de notre “monde”, nous sommes rentrés à la maison sans bébé, c’est vrai. Nous l’avions laissé à la morgue, avec ses plus beaux vêtements et son doudou pour qu’il veille sur lui et qu’il ne se sente pas trop seul loin de mon ventre.
Une des horribles choses que l’on doit faire, en tant que parents d’un ange …
Nous voilà dans les démarches administratives, et trouvant un semblant de courage (je travaille dans la fonction publique), j’appelle le service du personnel pour mon congé maternité. Et là, réponse d’une femme ( ?!? ) : euh, non un congé maternité c’est quand on a un bébé …. J’aurais dû trouver la force de répondre mais rien n’est sorti !
Autant vous dire que cette phrase m’a plongé dans un désarroi le plus total, et que, presque 8 ans après, elle raisonne encore …
Caroline maman de Gaspard mort-né à 6 mois de grossesse, Gustave et Edgar
J’aimerais vous faire part de quelques phrases que nous entendons depuis août dernier suite à la perte par IMG de notre petite Léa à 33 semaines de grossesse :
“Allez, tu es pleine de ressource, ça va aller, tu es forte” “Ce qui ne tue pas nous rend plus fort” “Vous avez déjà un enfant” “Vous vous aimez” “Elle n’existait pas, c’est un moindre mal” (je pense que c’est la pire) “Il y en aura d’autres” “C’est sain de pleurer mais il ne faut pas que ça dure” “ça pourrait être pire” “Vous avez fait le bon choix” ( avait on le choix?)…
Pauline, maman de Thibault et de Léa
Il y a une semaine seulement, j’ai “éjecté” mes jumeaux (comme ils disent). Enceinte de 22 semaines et demi, je ne pouvais pas être prise en charge par l’hôpital avant les 26 semaines donc les urgences me renvoyaient sans cesse chez moi tout en perdant énormément de sang (de Nice à Antibes) et je ne vous explique pas comment j’ai été traitée : quand on me parlait c’était durement et froidement, quand on m’auscultait, c’était avec brutalité et douleur.
J’ai tout fait pour sauver ma fille “Lili-Anna” et mon petit “Aaron”. Les urgences me disaient “N’IMPORTE QUOI : vivez normalement, pas besoin de vous reposer”, ils ne voyaient pas que l’une des poches était fissurée, “mais non, c’est juste des pertes”, je me vidais de mon sang, “mais non vous ne saignez pas” j’ai du être transfusée après l’accouchement!!
Je dois retourner à l’hôpital pour avoir des réponses à mes questions, je ne sais toujours pas ce qu’il s’est passé vraiment, cette boule d’angoisse est coincée en moi.
Mes bébés étaient si magnifiques, 2 anges de toute beauté!!
Fanny, maman de Lili-Anna* et Aaron*, octobre 2012
J’ai perdu 2 petits garçons jumeaux Aurélie et Esteban par IMG (6 mois de grossesse), puis mon petit Sacha Jeudi (17 sa), deux maladies sans rapport, et aucun rapport d’ailleurs avec le sexe du bébé. Mon papa et 2 autres personnes m’ont dit :” tu ne peux peut être pas avoir de garçons !”.
Ah bon, ça n’a rien voir, j’ai quand même demandé aux médecins qui m’ont confirmé mais ces mots vont beaucoup m’aider si je suis à nouveau enceinte d’un petit garçon à angoisser !!!
Et cela me donne également une drôle d impression de ne pas être capable de protéger mes garçons comme si je les voulais égoïstement mais que je n’en suis pas capable .
D’autres petits mots ou phrases anodines : une sage femme juste en sortant de l’accouchement de Sacha , le sourire aux lèvres “alors, comment ça s’est passé ?”
Que répondre ? Super j ai un fœtus de 17 semaines décédé, mon 3e !!!
Ou ma belle mère , “bonnes vacances”, le surlendemain de l’IMG.
On part oui en “vacances”, mais elles ne peuvent pas être bonnes, elles feront passer le temps le moins péniblement possible, ce temps qui m’aidera à cicatriser doucement !
Maman d’Aurélie*, Esteban* et Sacha*
Le 02 Août dernier, suite à un accouchement prématuré à 5 mois de grossesse, ma fille, Alice, est décédée à la naissance du fait de sa trop grande prématurité.
Après quelques mois où il a fallu « s’habituer » (on ne s’habitue pas) à continuer de vivre sans elle, je prends le temps de vous faire part des « phrases choc » entendues le plus souvent, et dont je me serais bien passée…(Même si ça part toujours d’une bonne intention).
« La nature fait bien les choses » : Si la nature faisait vraiment bien les choses, cette tragédie ne lui serait, ne nous serait jamais arrivée. Si la nature était si bien faite, je pourrais porter ma fille, la bercer, la câliner…
« Vous êtes jeunes et en bonne santé » : Parce qu’on est jeune et en bonne santé ça doit faire moins mal de perdre un enfant ? Personnellement, je préférerais être vieille et malade mais avec ma fille vivante à mes côtés.
En général, à la suite de cette phrase vient : « Vous en aurez d’autres » : En aucun cas les autres enfants que nous aurons (peut être) ne seront Alice. Une personne peut-elle être remplacée par une autre ? Nous sommes dans la souffrance de l’absence de cette enfant. Et d’abord, qu’est ce que vous en savez si j’en aurai d’autres ??
« Il faut oublier le passé » : Oublier…C’est justement ma plus grande crainte ! Jamais je ne pourrais ni ne voudrais oublier ma fille, le peu de moments passés avec elle, à ressentir ses coups de pieds… A admirer son joli visage, ses longs doigts, ses grands pieds…Oubliez si vous voulez, mais moi je n’oublierai pas!
« Il faut aller de l’avant » : Oui, moi aussi j’aimerai faire un bond de quelques années en avant, un aller direct pour le moment où (j’espère) je me sentirai mieux que maintenant. Malheureusement, j’ai besoin de temps, et j’ai besoin qu’on me laisse le temps, sans me sentir coupable dès que je pleure ma fille. Ça fait du bien de pleurer !
« Ça arrive souvent » : Ah bon ? Ça me fait un belle jambe ! Laissez moi deviner…Ça ne vous est pas arrivé à vous.
« C’est pas comme si c’était un vrai enfant » : Si si, je vous jure, elle était en chair et en os ! Si vous voulez je vous montre sa photo, vous verrez que si c’est pas une vraie, c’est sacrément bien imité !
« C’est mieux comme ça, elle aurait eu des séquelles » : Dans cette phrase, je ne retiens que « c’est mieux comme ça », et ça ne me satisfait pas. Pour moi, la vie n’est vraiment pas mieux comme ça. Cette phrase n’allège vraiment pas mes souffrances. Je le sais qu’elle aurait eu des séquelles. C’est pas ça qui me console !
« Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » : sans commentaire
Je garde la meilleure pour la fin : « Tu n’es peut-être pas faite pour avoir une fille » : Dans le doute, j’ai tout de même demandé au Dr Maryse D si mon accouchement prématuré pouvait avoir un quelconque rapport avec une cause génétique…IL N’EN EST RIEN !! Donc, petite phrase qui, je crois que je peux le dire, ne m’a vraiment rien apporté, si ce n’est peut être l’angoisse d’être un jour à nouveau enceinte d’une petite fille…
Perrine, maman d’Alice* et Louis, février 2013
Mon médecin généraliste m’a dit : il ne faut pas trop vous angoisser car le bébé va ressentir et il risque à la naissance de pleurer plus, de ne pas être serein, de moins bien dormir. Il me dit même que ce n’est pas anodin si j’ai beaucoup plus de nausées que lors des autres grossesses, toujours dues à mes inquiétudes. Cela m’a bien perturbé. C’est assez frustrant d’entendre cela car c’est déjà difficile d’essayer de ne pas trop angoisser !
C. maman d’Eloi*
Pour les vœux : Voilà à quoi j’ai eu droit ce matin par une collègue : “bonne année et un 3ème bébé avant la fin de l’année”. Que lui dire ? Rien, même si je voulais lui dire : “déjà ce n’est pas le 3ème mais le 4ème”. Même si ma princesse est née sans vie à 9 mois de grossesse, elle était bien vivante je la sentais bouger, me donner des coups de pied ma petite puce …
Ludivine, maman de Mathis, Kaëlysse* et Noam, janvier 2014
– “C’est la sélection naturelle.”
– “C’est un mal pour un bien” : quand on explique qu’il s’agit d’une interruption médicale de grossesse. Non, ce n’est pas un mal pour un bien, c’est un mal pour un mal ! – “C’est dommage” : quand on explique que la sœur jumelle de mon fils est née sans vie. Non, ce n’est pas dommage, c’est dramatique !
Annabelle, maman d’Elise* et Gaspard, avril 2014
“Tu veux quoi ? Qu’on se suicide tous ? Tu es malade et dépressive, j’espère pour toi que Tom, un jour, ne te reprochera pas de grandir dans l’ombre de son frère mort…”
Amandine, maman de Tom et Hugo*, avril 2014
“C’est bon, arrête de pleurer ! Il faut tourner la page ! Tu vas pas pleurer toute ta vie ! “
Tatiana, maman de Océane, Lucas, Morgan* et Raphaël, avril 2014
“Alors que nous discutions de banalités (vous faites quoi dans la vie, vous venez d’où, etc.) avec un couple rencontré au mariage d’amis communs, auquel nous avons assisté avec Gaspard et Hector, mon mari résume notre couple en quelques chiffres : “Dix ans d’amour, huit ans de mariage et …”. Devinant de quoi mon mari allait alors parler, cette jeune femme a jugé bon de compléter elle-même : “et deux enfants”. Alors même que nous venions de parler d’Élise.”
“Lors d’un atelier de portage organisé par une association de soutien de l’allaitement maternel, la bénévole qui remplissait une fiche de renseignements me concernant en vue de mon adhésion à l’association me demande combien j’ai d’enfants : “Trois dont un décédé”. Et elle de me répondre sans vergogne : “Je note deux alors”. Ma fille ne peut pas être allaitée ni portée alors elle ne compte pas pour ta p….. d’association, c’est ça ?! Mais je n’ai rien dit, je me suis contentée d’un “Hmmm” qu’elle a dû prendre pour une forme d’approbation.”
“La kiné chez qui je fais ma rééducation périnéale post-Hector et chez qui j’avais également fait celle après Élise et Gaspard. Elle connaît déjà Gaspard puisque je l’emmenais avec moi lors de mes séances précédentes. Elle a rencontré Hector puisque je l’emmène également avec moi. Et à défaut de connaître Élise elle-même, elle connaît son existence. Cela ne l’a pas empêchée de me demander, le sourire aux lèvres, sans doute fière de sa petite blague : “Deux garçons ! Vous ne vouliez pas de petite fille ?”. Aussi spontanément que posément, je lui réponds qu’ils ont en réalité une sœur, m’apprêtant à lui rafraîchir la mémoire. Et elle de répondre du tac au tac : “Oui, oui, avec Gaspard, vous m’aviez dit”. Si tu te souviens d’elle, pourquoi tu fais comme si elle n’existait pas alors ?!”
Annabelle, maman d’Élise* et Gaspard (septembre 2013) et de Hector