Le « cercueil » a été préparé le 26 septembre 2014 à la Chambre Mortuaire du CHRU de Lille. Les corps des 40 enfants mort-nés ont été déposés, dans le cercueil. Chacun a été enveloppé dans un drap blanc, et accompagné des objets (doudous, fleurs, peluches,..) confiés par leurs parents et leurs proches.
La crémation a eu lieu le 6 septembre au crématorium d’HERLIES.
Ce samedi 27 septembre au matin, une cinquantaine de personnes se sont réunies au crématorium d’Herlies pour participer à la cérémonie organisée par l’association Nos Tout-Petits et le crématorium communautaire, en hommage aux tout-petits dont le corps avait fait l’objet la veille d’une crémation. La grande salle de cérémonie avait été gracieusement mise à notre disposition par la Communauté Urbaine de LILLE.
Les bénévoles y avaient préparé une table sur laquelle était installée une grosse bougie allumée représentant la place singulière qu’a, chaque tout-petit, pour nous.
La présidente de l’association, Maryse DUMOULIN, a alors pris la parole pour débuter cette rencontre :
« Nous sommes réunis, ce samedi 27 septembre 2015 pour célébrer ensemble une cérémonie d’adieu à l’intention de 40 tout-petits dont les corps ont fait l’objet hier d’une crémation. »
« Les bénévoles d’accompagnement de l’association Nos tout-petits (Agnès, Amélie, Anne-Sylvie, David, Hélène, Pierre …), eux-mêmes parents endeuillés ou soignants de périnatalité, les professionnels du crématorium d’Herlies, vous accompagnent, vous parents et proches de ces tout-petits pour leur ultime passage : Charlotte, Christopher, Daniel, Edilson, Eléa, Elodie, Emile, François, Gabrielle, Inès, Juliette, Lilas, Lilou, Lorenzo, Lucas, Lucie, Marie-Emilie, Martin, Mathys, Matthews, Sacha, Théo, Victor, …… tous les autres qui n’ont pu être prénommés et en pensées avec Alice, Emile, Louis et Victor tout-petits des bénévoles présents.
A vous, nos tout-petits,
Vous qui n’avez pas vécu et qui n’avez pas connu notre monde
Pour votre dernier adieu,
Nous sommes nombreux à nous être déplacés pour vous accompagner.
Nous avons pris soin de vous, chacun de notre place et à notre manière
Vous êtes partis entourés des objets (peluches, photos, mot d’amour, doudous, rose blanche…) remis par vos parents et vos proches et déposés près de vous
Nous sommes là pour vous dire adieu, au nom de notre commune humanité
Pour que vos départs s’inscrivent dans nos vies,
Chacun vous avez une place unique, singulière, particulière dans nos cœurs,
Symbolisée par ces petites lumières »
David, bénévole, a ensuite lu le texte « Au bord du vide» (Paul Eluard)
« Nous voici aujourd’hui au bord du vide
Puisque nous cherchons partout le visage
que nous avons perdu.Il était notre avenir et nous avons perdu notre avenir.
Il était des nôtres et nous avons perdu
cette part de nous-mêmes.
Il nous questionnait et nous avons perdu sa question.Nous voici seuls, nos lèvres serrées sur nos pourquoi.
Nous sommes venus ici chercher,
chercher quelque chose ou quelqu’un.
Chercher cet amour plus fort que la mort. »
Puis ce fut la chanson «Tu es partie» (Gérard Darmon).
Le deuxième texte « Toi » de P.E.Thomèse Extrait de l’enfant de l’ombre a été lu par Agnès :
« Toi, …, tu étais le meilleur autre que j’eusse pu souhaiter.
Je n’avais plus besoin de t’imaginer, je t’avais toi.
Les plus belles vies t’attendaient, prêtes à porter.
Je te les avais préparées moi-même,
dans l’espoir qu’un jour elles seraient à ta taille …
Il fallait bien que je t’imagine.
Je continue à t’imaginer, je n’y peux rien,
Je ne peux tout de même pas cesser d’un coup de penser à toi ?
Je pense à toi, je te pense.
Tu es restée trop jeune pour pouvoir jamais t’éloigner de moi
et t’inventer toi- même.
… Jamais tu ne pourras te libérer de mes pensées.
Je te sais pour toujours ici,
dans les coulisses de notre théâtre familial. »
Sur la musique et texte de «Dust in the wind» (Kansas), les familles ont ensuite été invitées à venir chercher un lumignon et l’allumer à la flamme de la bougie qui symbolise cette place singulière qu’a chaque tout-petit pour nous. Ensemble, nous nous sommes recueillis autour de cette présence.
Chacun des 40 bébés était représenté par un lumignon
Huguette a ensuite lu « Des étoiles qui savent rire » (Antoine de Saint Exupéry) :
« Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes.
Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides,
Pour d’autres, elles ne sont rien d’autre que de petites lumières.
Pour d’autres qui sont savants, elles sont des problèmes.
Pour mon businessman, elles étaient de l’or.
Mais toutes ces étoiles-là se taisent.
Toi, tu auras des étoiles
comme personne n’en a quand tu regarderas le ciel, la nuit,
puisque j’habiterai dans l’une d’elles,
puisque je rirai dans l’une d’elles,
Alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles.
Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! »
Ont suivi « Pas de Mot » de Lynda Lemay un extrait de « Juste avant le bonheur » d’Agnès Ledig lu par Isabelle.
« La vie s’apparente à la mer.
Il y a le bruit des vagues, quand elles s’abattent sur la plage, et puis le silence d’après, quand elles se retirent.
Deux mouvements qui se croisent et s’entrecoupent sans discontinuer.
L’un est rapide, violent, l’autre est doux et lent.
Vous aimeriez vous retirer, dans le même silence des vagues, partir discrètement, vous faire oublier de la vie.
Mais d’autres vagues arrivent, et arriveront encore et toujours.
Parce que c’est ça la vie…
C’est le mouvement, c’est le rythme, le fracas parfois, durant la tempête, et le doux clapotis quand tout est calme.
Mais le clapotis quand même.
Un bord de mer n’est jamais silencieux, jamais.
La vie non plus, ni la vôtre, ni la mienne.
Il y a les grains de sable exposés aux remous et ceux protégés en haut de la plage. Lesquels envier ?
Ce n’est pas avec le sable d’en haut, sec et lisse, que l’on construit les châteaux de sable, c’est avec celui qui fraye avec les vagues (…).
Vous arriverez à reconstruire votre château de vie, parce que la tempête vous a rendu solide.
Et ce château, vous le construirez avec des grains qui vous ressemblent, qui ont aussi connu les déferlantes de la vie, parce qu’avec eux, le ciment est solide. »
Puis la chanson « Confidentiel » de J.J. Goldman
Les parents de Gabrielle ont ensuite lu un texte spécialement composé pour cette cérémonie « Notre étoile Gabrielle » :
Gabrielle,
Ta naissance, le 21 août 2014, restera un moment fort qui marquera notre existence. Même si ta vie fut éphémère, elle ne fut pas moins intense…
D’ailleurs, le vide abyssal laissé à ta naissance témoigne l’importance de ton inscription dans notre chair et notre psychisme… Nous avons pu te rencontrer sereinement, toi, Gabrielle, t’accompagner, te bercer, te cajoler, t’embrasser…nous n’avions pas envie de te quitter néanmoins nous avons pu te dire au revoir. Le berceau reste vide…ce vide va prendre la place de l’absent…
« Chaque être humain est irremplaçable pour ceux qui l’ont aimé » disait F. Dolto. En effet, ces bébés morts, ces petits anges font partie de notre histoire, d’un passé, d’un avenir, et assurent la continuité des vivants. Cette mort dérange et reste souvent incomprise, mais pour autant elle a besoin d’être parlée pour être sue, entendue ; peut-être pour compenser le cri attendu de notre bébé à sa naissance, remplacé par un silence profond…
Nous n’oublierons jamais Gabrielle. Le but n’est ni d’annuler, ni d’effacer mais de continuer à la faire vivre et de continuer à vivre, sans survivre car il y a une suite après la fin…
Gabrielle a sa place dans sa fratrie, dans notre famille, dans notre cœur…Une place, certes vide, un manque mais qui existe et qui va vivre… La vie continue avec des moments de joie mêlés à des moments de nostalgie…et rien ne sera comme avant.
Nos rapports avec les autres sont modifiés…ces épreuves de la vie nous rappellent l’importance de profiter des personnes chères qui nous entourent et de se recentrer sur les richesses essentielles, précieuses de notre monde en accordant une part importante à l’humanité, à l’Amour, à l’écoute, à la réflexion, à la pensée, au partage.
Gabrielle brillera de mille feux dans notre ciel, dans notre cœur, dans notre famille ; à travers les trésors de la nature, elle pourra souffler comme le vent, scintiller comme le diamant dans la neige, comme la lumière du soleil, tomber comme la douce nuit d’automne, être magique comme l’arc en ciel, fleurir et ainsi compenser notre vide.
Finalement, Gabrielle nous encourage à accomplir de nouvelles missions, à vivre de nouvelles aventures.
Gabrielle, tu nous as honoré en faisant de nous, une « mamange » et un « papange »; nous espérons que prochainement, tu nous permettes d’être à nouveau aux anges…
Les personnes présentes ont ensuite rejoint, comme geste d’adieu et ultime regard, la stèle « Nos Tout-Petits » afin d’inscrire ce moment et ce lieu dans les cœurs et les mémoires.
Devant cette stèle, Maryse a lu « Les empreintes de pas de nos enfants » (Doreen Sexton)
Certains enfants ne font qu’un bref passage dans nos vies.
D’autres restent quelques temps.
Tous nos enfants laissent dans nos vies l’empreinte de leurs pas.
Certaines, oh, si petites,
D’autres un peu plus grandes,
D’autres encore plus grandes.
Mais tous laissent l’empreinte de leurs pas dans nos vies, dans nos cœurs.
Et nous ne serons jamais plus les mêmes.
Nous avons clos cette rencontre par un moment de convivialité qui a permis aux personnes présentes qui le souhaitaient de nous évoquer leur ressenti suite à ce moment fort.
Témoignages
« Nous avons eu beaucoup d’émotion en regardant les photos de la cérémonie, Merci pour ce que vous faites… »
« Bonjour,Je souhaitais vous remercier pour la jolie cérémonie de ce matin. Vous savoir présents pour nous, parents endeuillés, est d’un véritable réconfort.
Notre petit ange Robin repose en paix avec ses copains. Vous nous avez aidés à lui rendre un bel hommage. Puissiez-vous continuer votre action pour tous ces anges à venir et leurs parents qui se sentent hélas bien seuls face à cette terrible épreuve.Mille mercis à vous pour ce que vous faites.
Cordialement». Audrey, maman de Robin.
« Merci C’était vraiment une belle cérémonie comme j’imagine toutes celles qui sont organisées. Un grand merci car c’est vraiment aidant dans notre processus de deuil. Les photos de la cérémonie vont nous aider pour constituer le maigre mais néanmoins important album de Gabrielle » Ingrid, maman de Gabrielle.