Nous sommes en juillet 2000, exactement le 24, je viens de donner vie à un superbe petit bonhomme Karim (mon deuxième garçon). Quelques mois après sa venue, je m’inquiète d’avoir un retard de règles assez important et donc je fais une prise de sang : le test revient positif. j’en pleure car Karim n’a que 5 mois et je panique à l’idée d’avoir deux bébés avec moins de 14 mois d’écart.
Mon mari Abdellah et moi décidons néanmoins de garder la grossesse. Nous voulions de toutes façons avoir 3 enfants…
La grossesse se déroule sans problème. Le terme est prévu pour le 1/10/01. A l’écho morpho, mon mari et moi souhaitons connaître le sexe du bébé : c’est une fille, génial, après deux garçons, enfin une puce. Elle s’appellera Nora.
Eté 2001, je suis très fatiguée, normal deux grossesses rapprochées et Karim qui vient de souffler sa première bougie ne marche pas encore. Il fait aussi très chaud alors rien pour arranger cette fin de grossesse.
Dernière écho en août, tout va bien. Nora a bien la tête en bas, prête pour le grand voyage. Mais il faut encore attendre un peu car je ne suis qu’à 33 SA.
Je suis très occupée par les démarches de déménagement. En effet, nous recherchons un logement plus grand pour l’arrivée de Nora. Fin août, ça y est nous trouvons enfin l’appartement qui nous convient à Lorient. Nous quitterons donc Lanester. Mon fils aîné va donc aussi changer d’école. Nous aurons les clefs de notre nouvelle demeure le 30 septembre, mais je serais déjà peut être à la maternité. Abdellah et moi commençons à faire les achats pour la chambre de Nora. Nous choisissons un mobilier blanc. Je veux quelque chose de beau et à la fois simple.
Driss fait sa rentrée le 6 septembre dans sa nouvelle école. Tout le monde nous dévisage car Driss est nouveau et moi avec mon gros ventre !!! Il est déjà fier d’annoncer à ses nouveaux camarades de classe qu’il va bientôt avoir une petite soeur.
C’est le jeudi 13 que tout va basculer. Le matin, j’ai rendez-vous pour ma dernière visite : examen obstétrical tout à fait rassurant. Quelques contractions mais c’est normal pour une troisième grossesse. Nora a toujours la tête en bas et commence à descendre. Mais il reste encore 15 jours. Donc pas de panique et même si elle décidait de venir maintenant, ce ne serait pas très méchant. Le monitoring me permet d’entendre ses petits battements de coeur. Elle sera bientôt là Nora et j’ai du mal à réaliser que je vais avoir une fille. J’essaye souvent de m’imaginer son visage…
Je rentre donc chez moi rassurée mais la sage-femme me demande de revenir tous les deux jours afin de faire un monitoring de contrôle car le liquide amniotique n’est pas très abondant. Mais rien de bien méchant.
Jeudi soir, je ressens quelques contractions. Je pense que c’est l’examen obstétrical qui a déclenché cela et puis j’ai eu une journée un peu agitée, à faire les magasins.
Les contractions se rapprochent. Il est 22 h 30. Après ma toilette, je décide d’aller me coucher en espérant que cela va se calmer. Allongée, je me sens bizarre comme si quelque chose allait arriver. Je me tourne et me retourne dans mon lit. Le sommeil ne me vient pas et de plus je commence à inquiéter Abdellah. J’ai envie d’aller au pipiroom. En me levant, je sens un liquide chaud couler entre mes jambes. Dans ma tête je me dis que ça y est le travail commence. J’allume ma lampe de chevet et là c’est l’horreur. DU SANG, une mare de sang. Ça ne s’arrête plus. Je suis prise de panique. Je veux quand même faire une toilette avant de partir à la maternité. Mais la sage-femme que j’ai au téléphone me conseille de venir tout de suite. Dans la voiture, le sang ne s’arrête pas. Je crie, je pleure. Je palpe mon ventre en appuyant un peu comme si je voulais envoyer un message à ma puce. Mais déjà à ce moment, j’ai l’impression de ne plus la sentir bouger.
Arrivée à la maternité. Toute l’équipe est en place suite à mon appel téléphonique.
Échographie rapide ainsi que monitoring : rien, on n’entend rien. Le gynéco que je connais bien (puisque je travaille dans ce service) tout en tournant discrètement l’écran de l’appareil me dit qu’il faut me monter rapidement au bloc. Alors là tout bascule dans ma tête. Qu’est ce qui est en train de se passer. Ce matin tout allait bien et ce soir le cauchemard. Tout le monde se précipite autour de moi : prise de sang, pose de cathéter, pose de la sonde etc etc je pleure toujours et je ne veux pas admettre que quelque chose de grave se passe. On me conduit ensuite au bloc. J’ai le souvenir de tous ces plafonds qui défilaient. J’avais l’impression d’être dans un tunnel sans fin. Abdellah était à mes côtés jusqu’au bloc et puis nos mains se sont lachées car il ne pouvait pas entrer au bloc. Anesthésie générale…je résiste lorsque l’infirmier me met ce masque sur le visage pour m’endormir.
Réveil : Abdellah est à mes côtés mais pas Nora. Je lui demande où elle est mais il est comme moi. Il ne l’a pas encore vue.Nous sommes tous les deux en chambre de réveil. Un infirmier anesthésiste vient me voir et me demande comment est la douleur. Je n’en sais rien. J’ai mal bien sûr puisque je viens d’être césarisée! Mais mon seul souhait est de voir mon bébé très vite.
Alors arrive le gynécologue qui m’a pratiquée la césarienne. C’est un médecin remarquable. D’un air sombre et en me prenant la main il me dit : “je n’ai pas de bonnes nouvelles à vous annoncer”
Je serre très fort la main d’Abdellah et tandis que les larmes me montent aux yeux, il continue :
” Vous avez eu une forte hémorragie, dont on ne connait pas encore très précisément l’origine. Votre fille est née en état de mort apparente. Elle a du être réanimée 15 min et transférée en Néonatologie… je ne vous cache pas que son état est jugé très sérieux..” et blablabla et blabla bla
Je n’écoutais même plus ce qu’il me disait car je me disais que cela n’était pas possible. Ce matin, NORA allait très bien et maintenant on me dit que son état est critique. IMPOSSIBLE !!!
On m’accompagne dans ma chambre en maternité, il doit être 2h du matin. Je suis arrivée en maternité à 23H15 et NORA est née à 23h45 le jeudi 13/09/01.
La sage femme nous tient courant toutes les heures. Elle appelle régulièrement en néonat pour prendre des nouvelles de NORA. Le gynécologue revient me voir dans ma chambre afin de me donner plus d’explications. Après étude du placenta, l’hémorragie s’avère être une hémorragie de BENCKISER (malformation du placenta indécelable par échographie).
Le lendemain matin, le vendredi 14/09/01, l’équipe de la maternité met tout en place pour que je puisse aller en Néonatologie voir mon bb. Avec une césarienne pratiquée dans la nuit, il m’est impossible de me déplacer en fauteuil.Il faut donc m’y conduire en ambulance. Après avoir passé la matinée dans ma chambre, je pars donc auprès de ma fille. Arrivée dans la chambre où est Nora, je craque ainsi que mon mari. Je vois pour la première fois ma fille, toute appareillée, couverte de tuyaux, et toutes ces machines qui la maintiennent en vie ou qui l’aident à vivre. J’essaye de cacher mon émotion mais c’est plus fort que moi. Je peux à peine la toucher de mon brancard. Je lui parle mais c’est dur. De temps en temps, on entend une alarme. C’est son petit coeur qui bradycarde. Et puis il repart normalement. Ca va être comme ça tout le temps que je reste auprès d’elle. Elle n’aura pas ouvert les yeux une seule fois mais aura (je crois) réagit au son de nos voix.
Il est 16h30. Je décide de retourner dans ma chambre car la douleur de la césarienne se réveille et je suis HS. Je décide de revenir un plus tard dans la soirée en espérant qu’elle m’attendra. Les larmes ne cessent de couler, j’hésite à me retourner pour la regarder comme si je voulais lui adresser un message.Je sais au fond de moi qu’elle ne vivra pas longtemps. Je le sens. Et puis, tous les examens ont montré que ses organes ne fonctionnent pas. A l’ECG, il n’existe aucune activité cérébrale. Ses reins non plus ne fonctionnent pas, pas plus queson foie etc. Seul son petit coeur bat encore un peu.
De retour dans ma chambre, je tente de me reposer. Mais les visites ne cessent pas. Et il faut sans cesse raconter ce qu’il m’est arrivée. C’est épuisant!!! Je demande à la Sage-Femme de mettre un panneau sur la porte de ma chambre : visites interdites
Je continue d’appeler dans le service de Néonat pour prendre des nouvelles de Nora. Son état est stationnaire. Pas d’amélioration.
18h30 : Abdellah, exténué sort prendre l’air. Quelques minutes après son départ, entre la puéricultrice. Sa mine est triste. Mais elle ne me dit rien, me demande ou est mon mari et me dit qu’elle repassera un peu plus tard.
En fait, elle venait nous annoncer le décès de ma fille. NORA s’était éteinte à 18h24. Elle aura vécu un peu moins de 19h.
Je ne l’aurai pas accompagnée jusqu’au bout. Ca me rend folle. J’ai envie de crier ma haine, ma colère. Mais la nature en a décider ainsi. NORA avaot décidé de rejoindre le paradis des anges le 14/09/01.
Je n’ai pas eu le courage de retourner la voir après son décès. Seul mon mari et une de ses soeurs sont allés pour lui apporter ses vêtements et accomplir les démarches administratives. Je n’ai pas eu non plus le courage d’aller la voir à la chambre mortuaire et je ne voulais pas assister à ses funérailles. D’un commun accord avec nos deux familles et par rapport à l’origine musulmane de mon mari, nous avions décidé que ses funérailles se dérouleraient dans l’intimité.
NORA aurait eu deux ans, le 13 septembre prochain.