Mathilde, petite étoile

Je suis la maman d’Emilie 8 ans, Romain 6 ans, Manon 3 ans et Mathilde partie dans notre 5ème mois de grossesse.

Notre vie s’est écroulée le soir du diagnostic: méningocèle occipitale, Dandy Walker, et l’horreur des confirmations qui vont suivre…pourquoi ? qu’ai-je fait de mal ? Les larmes ne s’arrêtent-elles jamais de couler? Je t’aime déjà tellement Mathilde, pourquoi devrait-on vivre une telle épreuve? Je lis dans vos yeux, docteur, que je n’y suis pour rien alors pourquoi tant de culpabilité ?

Je rentre chez moi… la nuit est étrange, agitée d’un rêve qui me harcèle et dans lequel je vois mon obstétricien rire et me dire “ce n’était qu’une blague, juste une blague, votre fille va très bien”…je me mets à espérer, est-il possible qu’il ait joué à ça …mais non bien sûr, c’est la vie qui m’a joué un méchant tour.

Voilà presque deux mois que tu es partie suite à une IMG. Que dire face à la violence de cette idée? J’aurai voulu t’envelopper dans un cocon de douceur pour mieux te protéger, et j’ai dû interrompre notre symbiose…

Mathilde est née le 7 novembre 2003 à la maternité d’Arras.Nous avons été très entourés, respectés, et écoutés dans nos souhaits. J’ai connu l’infinie patience de mon obstétricien, ses mots de douceur envers nos autres enfants, envers mon mari, et un respect profond du petit être qui vivait encore en moi et pourtant condamné. J’ai connu le regard doux et triste de la sage femme qui a posé les comprimés déclencheurs de contractions, les visites rapprochées de vous toutes “juste pour m’écouter” et je vous ai connue Florence si dévouée et formidable. Je n’ai presque pas souffert et c’est grâce à notre anésthésiste si j’ai pu accueillir Mathilde dans de bonnes conditions. Et puis, au moment le plus dur, celui où le corps refuse l’irreversible notre équipe était là, réconfortante comme toujours.

J’ai accueilli Mathilde, je l’ai pleurée, caressée, et embrassée. Sache mon bébé que je porterai à jamais  la douleur de notre amour interrompu si brutalement.Je suis sortie 14 heures après la naissance de Mathilde,  aidée par trois enfants, un mari et un docteur, tous formidables. C’est très dur de se retrouver face à trois enfants qui souffrent, avides de questions sur le devenir de leur petite soeur disparue. Mais si leur maman se bat et sourit à la vie tout est plus facile pour eux. Alors je me bats et je souris même si souvent je pleure après. Je me bats pour toi aussi , papa de Mathilde, parce que tes silences trop longs sont à la mesure de la douleur que tu tais. Je me bats pour ma famille si loin et pourtant si présente et je sais à quel point vous souffrez de me voir souffrir. Et enfin, je me bats grâce à vous docteur, qui m’écoutez avec une infinie patience, supportez mes sautes d’humeur, de colère et de désespoir.

Mathilde, presque deux mois que tu es partie. Une partie de moi s’est enfuie avec toi pour te veiller. Mon deuil est presque fait, ma douleur est intacte et c’est finalement tant mieux. Les cinq mois que nous avons passés ensemble sont les nôtres mon bébé et la vie ne pourra jamais nous les prendre. Je t’aime d’un amour infini, d’un amour beaucoup plus grand, beaucoup plus profond que la douleur qui est en moi. Et c’est toi qui me fait avancer pour ceux qui ont besoin de moi. Merci petite étoile, continue de briller, je sais que d’où tu es, tu vois combien je t’aime et combien tu me manques.

Ta maman

Stéphanie, janvier 2004