L’expérience de Sylvie

Cela fait longtemps que je vous promets de témoigner à l’association. Je participe aux groupes depuis leur création. Le plus souvent, je vous écoute avec beaucoup d’attention.

La première fois, c’est l’effondrement, la tristesse, la colère… puis, au fur et à mesure des réunions, je vous trouve plus apaisés, votre visage s’éclaire pour laisser place au sourire, parfois même au rire. Malheureusement, un événement, une fête, la fatigue, le ras-le-bol, et c’est reparti pour le creux de la vague. Mais grâce au soutien du groupe, vous remontez la pente plus vite.

Par moment, il m’arrive de penser : « Si j’étais une fée, je pourrais redonner la vie à tous vos bébés afin de vous voir heureux… C’est trop facile.»

Je travaille en réanimation. Lorsqu’un petit meurt, c’est un drame, ce n’est jamais facile. Je ne m’habituerai jamais. Je suis en colère et révoltée. Mais je ne peux rien changer. Je suis impuissante. Il ne me reste plus qu’à mettre toute mon énergie et mon cœur pour accompagner vos petits bouts une dernière fois, pour vous soutenir et vous aider dans vos démarches.

Je ne suis pas « super-Sylvie », comme certains le pensent et me jalousent. Je suis simplement moi-même au travail comme dans la vie. Je fonctionne avec mes tripes et mon cœur. Je suis entière.

Quand on vit un drame comme le vôtre, on voudrait que la vie s’arrête ! Mais non, la vie continue. On ne doit pas rester indifférent et on doit s’aider mutuellement. Dans le service, nous formons une équipe : que ce soit les ASH, ADP, pupus, médecins, nous sommes tous bouleversés et nous nous unissons pour affronter cette situation, pour vous aider et accompagner dignement les petits, dans un très grand respect. Je tiens également à ajouter que je travaille en équipe avec toutes les personnes qui interviennent au moment du décès ( Jean-Claude, Madeleine, Marie-Claude, Maryse, Rémi, tous les brancardiers ). Il nous arrive de revoir des parents, plus tard, qui ne vont pas bien ; on ne les laisse pas tomber.

Je vous remercie, car j’apprends beaucoup en venant au groupe. Vous m’aidez à supporter cette tristesse et vous me redonnez à chaque fois l’énergie pour continuer mon accompagnement. Je me rends compte qu’il est très important et laisse beaucoup de traces pour votre avenir.Je suis très heureuse quand j’apprends la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur. C’est là que je me rends compte que vous avancez dans la vie.

Je souhaite que des soignants lisent mon témoignage et me rejoignent aux groupes. Car, plus nous serons, plus nous ferons bloc lors d’un drame et plus les parents se sentiront soutenus.

Sylvie, auxiliaire puéricultrice en réanimation néonatale,  septembre 2003