Ilan

Bonjour,

je m’appelle Dorothée, j’ai 25 ans, mon fiancé aussi, nous avons une fille, Lauryne, qui a deux ans ; elle est magnifique.

Mais nous avons aussi un fils, Ilan né le 3 juin 2007 ; commençons depuis le début.

Tout a commencé quand en octobre 2006 je découvre que j’ai du retard, je fais un test de grossesse qui nous annonce que bébé est là, il est arrivé par surprise nous ne voulions pas de second enfant tout de suite, mais il était le bienvenu quand même. Première écho en novembre bébé va très bien, tout est parfait, sauf que j’ai une tension de 17 ce qui n’est pas très bon ni pour bébé ni pour moi. Nouvelle visite en décembre, pareil, tout va bien ,sauf de nouveau une tension à 15.8. A la seconde écho, en janvier, le gynéco nous dit “je crois que c’est un garçon ,mais je vous confirmerai la prochaine fois”. Avec mon fiancé on était aux ange. Le mois suivant on confirmait que c’était bien un garçon. Nous décidons donc qu’il s’appellera Ilan, une fille ,un garçon, le choix du roi, nous disait notre entourage, quel bonheur, on était si heureux et impatient de le voir. A 7 mois et demi j’ai été hospitalisée, j’avais des contractions, une fausse alerte en gros, donc je repars chez moi. Dernière écho et monito le 2 juin, notre fils va bien il a amorcé sa descente “je ne vous donne plus une semaine” me dit le gynéco. Effectivement le soir même j’avais un peu mal mais pas des contractions. Le soir tombe nous allons nous coucher mais je sens que je vais passer une mauvaise nuit. Vers 4 heures du matin les premières contractions arrivent, je me lève puisque que je ne peux pas dormir,j’avertis mon fiancé que ce sera pour ce matin mais qu’il peut encore dormir, que je l’appellerai quand il faudra partir. Je déjeune mais ça a du mal à passer, finalement je vais tout rendre aux toilettes, les contractions ne sont pas régulières et pas assez douloureuses pour partir, donc je décide de me reposer dans mon canapé. Je m’endors un peu puis à 9 heures ma fille se réveille, je vais la chercher, lui donne son biberon, mon fiancé se lève et appelle sa mère pour dire que nous ne viendrons pas manger car je risque de partir ce matin car c’était un dimanche, j’étais même heureuse car c’était la fête des mères, quel plus beau cadeau que d’accoucher ce jour là ! Ma belle-mère décide de venir me voir vers 11h et voir si elle doit prendre ma fille maintenant puisqu’elle habite à 10min de chez nous. Je lui dis que non, ce n’est pas assez douloureux, et que finalement ce sera plutôt pour l’après-midi, donc elle repart .

Mais à 12h10 en allant m’asseoir dans mon canapé, je sens que ça craque et que du liquide chaud court le long de mes jambes sous mon pantalon. Je me dis : “c’est la poche des eaux qui vient de se rompre, pour ma fille c’est ce qui s’est passé, je cours aux toilettes vérifier et préviens mon fiancé en passant. Mais quand je baisse mon pantalon, je m’aperçois que c’est du sang bien rouge qui coule aussi fort qu’un robinet ouvert, je hurle, j’ai peur, je pleure, on rappelle ma belle-mère qui rapplique aussi vite prendre ma fille, on fonce à l’hôpital. Arrivés aux urgences on m’envoie vite en salle de monito et d’écho, la sage-femme m’examine et panique : elle ne trouve pas le cœur de mon bébé, elle appelle le gynéco accoucheur et tout l’attirail, anesthésiste, réanimateur, pédiatre-réanimateur, on me met au bloc opératoire, le gynéco refait une écho et découvre que le placenta s’est décroché, que mon fils a le cordon ombilical autour du cou, ce qui a provoqué le décollement placentaire ; et moi je continue de pleurer, mon fiancé aussi. Je pose des questions : “mon bébé va bien ,dites-moi qu’il va bien” ou “est-ce que je vais mourir ?”. Le gynéco me répond : “on vous fait une césarienne en urgence, il faut sauver votre bébé, vous, ça va aller”, et là, l’anesthésiste dit en me mettant le masque “j’envoie la dose” et je n’ai plus rien compris : je me suis tout de suite endormie, mon fiancé de pouvait pas être présent, c’est normal .

Je me suis réveillée à 15h en étant arrivée à 12h30 ; mon fils est né à 13h19 sans vie, il n’ont rien pu faire, son petit cœur s’était arrêté de battre trente minutes avant que je n’arrive à l’hôpital. C’est mon fiancé qui me l’a annoncé avec une sage-femme, lui à ma gauche elle à ma droite, il m’a dit “Ilan est mort”, il était effondré, moi je ne le croyais pas, je lui dis : “ne dis pas des choses comme ça”. La sage-femme me dit que si, c’est vrai, en me tenant la main. Là je hurle “c’est pas vrai, pas mon fils, pourquoi lui et pas moi ?” elle me dit “ils ont mis vingt minutes pour essayer de le réanimer mais rien à faire il était trop tard, mais que nous avons fait ce qu’il fallait, arriver au plus vite aux urgences, que l’on ne devait pas s’en vouloir, que c’est très rare ce genre d’accident, que l’on ne peut pas le prévoir ;ensuite elle me demande si je veux le voir. Bien sûr que je veux le voir, c’est mon fils ! Quand elle me l’a amené dans son petit landau transparent, mon fiancé ne l’ avait pas encore vu, il voulait m’attendre. Il s’est mis à hurler et il est sorti aussi vite. Je l’ai pris dans mes bras pendant environ 1h, il était si beau, un magnifique bébé, de grands yeux, une grande bouche, une tête bien ronde et plein de cheveux châtains, il était encore tout chaud, mais j’ai eu du mal à le voir correctement à cause des larmes que j’avais plein les yeux, en plus je suis encore choutée. Il saignait du nez, je demande pourquoi : la sage-femme me répond que ses poumons sont remplis de mon sang à cause de l’hémorragie que j’ai faite, elle me dit aussi qu’ils se doutaient que pour mon fils il aurait été trop tard car dans ces conditions- là il faut intervenir dans les dix minutes pour sauver le bébé et que si j’étais arrivée cinq minutes plus tard c’est moi qui y restais et que donc c’est moi qu’ils ont essayé de sauver. J’étais à 8 d’hémoglobine au lieu de 15 normalement, il parait qu’à 7 on n’est plus viable. Ensuite elle est venue me le reprendre sinon il allait commencer à changer de couleur et que je ne garderais pas un bon souvenir de cette image qu’ils avaient déjà dû attendre un moment pour que je me réveille, mais je ne voulais pas qu’elle me le reprenne, il a presque fallu qu’elle me l’arrache des bras, aidée par mon fiancé. Quand je l’ai vu repartir avec elle dans son landau transparent, j’ai crié : ” rendez-moi mon bébé”. C’était horrible de voir sa petite tête partir pour les frigos de la morgue, il sortait tout juste de mon ventre bien au chaud et là il partait pour un endroit hyper froid loin de moi, j’y crois pas, c’est horrible, je venais ici pour lui donner la vie et c’est le contraire qui se passe .

Une heure après qu’elle me l’ait repris on me conduit à ma chambre, j’ai super mal avec la césarienne, en plus j’ai une bronchite donc le fait de tousser me fait souffrir davantage, je suis faible et encore choutée. Là je vois ma mère rentrer en larmes dans ma chambre je fonds en larmes dans ses bras, ma sœur aussi, en plus elle vient d’accoucher six jours avant moi d’une petite fille. Tout le monde est là : mon père, mon frère, mon fiancé bien sûr, le fiancé de ma sœur, ma belle-mère, tout le monde est en larmes, personne ne comprend ce qui s’est passé, ils ont tous pu aller le voir avant qu’ils ne le mettent dans la morgue sauf ma sœur. Ce qui est compréhensible, Ilan était le premier garçon de la famille car nous avons tous des filles.

Ensuite tout va très vite, la question se pose déjà pour les funérailles : “que comptez-vous faire ?” nous demande l’équipe médicale, “il va falloir vous mettre en relation avec des pompes funèbres ,voir pour un cercueil, sinon nous en proposons ici , ils sont moins chers mais ce ne sont que quatre planches en bois blanc”, me dit une gentille sage-femme, mes beaux-parents qui ont l’habitude de se mêler de tout répondent “eh bien ça suffit il ne faut pas mettre un prix fou pour ce que ça va servir”, non mais de quoi est-ce qu’ils se mêlent, c’est pas leurs fils mais le nôtre, nous en prendrons un beau, si on peut dire ça, chez les pompes funèbres, il ira dans le caveau de mes beaux-parents le temps que nous le récupérions, ce qui est normal sa place est avec ses parents.

Le lendemain je ne suis pas allée le voir à la morgue j’avais peur qu’il ait changé, mes parents et toute ma famille que j’ai déjà cités sont allés le voir, ils m’ont dit ensuite qu’il était très beau, qu’il n’avait pas changé, je suis donc allée le voir le mardi puisque j’ai accouché le dimanche, et là c’est vrai qu’il n’avait pas changé,il était beau comme un ange qui dort paisiblement mais mon dieu qu’il était froid et dur, lui qui était si actif dans mon ventre, le voir comme ça n’a fait qu’empirer ma douleur, mais j’ai su rester forte je l’ai pris longuement dans mes bras, je l’ai embrassé, lui ai parlé, fait de gros câlins, caressé, touché de partout, je voulais sentir son corps entre mes mains de partout j’étais accompagnée de mes parents, et mon frère, mon fiancé était paralysé à l’idée d’aller voir son fils mort, lui qui aspirait tellement à avoir son fils avec lui, il en était déjà si fier ! Au bout d’une heure je suis remontée dans ma chambre, apaisée d’avoir été voir mon fils, mon fiancé lui ne se relève toujours pas de ce qu’il vient de vivre. A ce moment, maintenant, il va mieux et me soutient beaucoup. L’enterrement est prévu pour le mercredi, soit le lendemain. Je n’irai pas à ses funérailles, les pompes funèbres l’ont déconseillé à mon fiancé car ce n’est pas la première fois pour eux qu’ils ont affaire à des situations comme celle-là, ils ont dit qu’à plusieurs reprises ils avait fait venir les pompiers dans le cimetière car la mère faisait un grave malaise de voir son enfant partir en terre, donc ils ont déconseillé ma présence, ce que je regrette infiniment maintenant, de ne pas avoir accompagné mon fils ce jour-là, mais je me rattraperai à ses prochaines funérailles.

Donc ce mercredi, je décide d’aller le voir une dernière fois pour lui faire un ultime calin, je l’ai embrassé si fort que je suis sûre qu’il a encore la marque de mes lèvres sur son si joli visage. Je ne me résigne pas à le laisser partir, mais on me dit que les pompes funèbres sont déjà là, qu’ils viennent chercher mon fils pour le mettre dans son cercueil. J’ai pas envie qu’il parte, c’est la dernière fois que je le vois, les adieux avec mon fils sont déchirants, je sais où il part, et dans quoi ils vont le mettre, et je ne veux pas, je veut rester avec lui, la sage-femme qui m’accompagne à chaque fois me le reprend, elle me dit “il faut le laisser partir madame, ils sont là, si vous ne voulez pas les voir il faut que vous remontiez dans votre chambre”. Car je ne voulais pas voir mon fils dans le cercueil, cela m’aurait rendu folle je pense.

Je remonte donc, mais pas dans ma chambre, je préfère aller dehors prendre l’air, je suis avec ma famille et mon fiancé, quand tout à coup je vois le camion des pompes funèbres, je ne voulais pas le voir non plus ,à ce moment j’ai cru faire un malaise je suis donc vite remontée dans ma chambre, accompagnée de ma sœur qui tient à rester avec moi puisqu’elle ne se sent pas la force non plus d’aller a l’enterrement, et elle ne veut pas que je soit seule à ne faire que penser à ce qui est en train de se passer.

Cela m’a fait du bien de ne pas être seule à ce moment là, j’ai beaucoup pleuré ce jour-là , ensuite toute ma famille est revenue me voir avec ma fille. Heureusement qu’elle est là ! Ils m’ont expliqué tout le déroulement, car je tenais à tout savoir, comment il était mis dans le cercueil, s’ils lui avaient mis son doudou comme je le voulais, s’il était bien couvert, en gros si malgré tout il était bien installé et s’ils avaient caressé son petit nez comme je lui faisait quand j’étais avec lui, et embrassé bien fort pour moi en lui disant que je l’aime infiniment et que je l’aimerai toute ma vie. Mon fiancé n’a tenu à le voir qu’une fois et tout seul le jour de l’enterrement dans son landau transparent, il n’y arrivait pas. Avant il souffrait tellement, il est resté environ dix minutes avec lui ensuite il est ressorti presque en courant, en hurlant “c’est pas vrai”. Il tenait tellement à avoir un garçon, il l’aimait déjà si fort. Lors de l’enterrement tout le monde m’a dit qu’il ne voulait pas lâcher le cercueil, il hurlait le nom d’Ilan, lui qui ne montre jamais ses sentiments là il était méconnaissable, il était au bord du malaise, ses frères devaient le soutenir par son bras de peur qu’il ne tombe, ce fut très dur pour lui d’ailleurs aujourd’hui il arrive à peine à rentrer dans le cimetière .

Je suis sortie le lendemain, le jeudi, de la maternité, et nous sommes allés directement lui acheter une plaque et un énorme bouquet de fleurs puisque c’est tout ce que nous pouvons lui offrir, je me suis effondrée en entrant dans le cimetière je n’arrive toujours pas à croire que mon bébé se trouve à cet endroit. Aujourd’hui j’y vais tous les deux jours, je mets de nouvelles fleurs ,je nettoie le caveau, les plaques, je me sens plus proche de lui de cette manière, ça me fait du bien. Lorsque j’étais à la maternité mon fiancé ne m’a jamais quittée, il a dormi toutes les nuits avec moi, le midi il mangeait chez mes parents et le soir avec moi il était aux petits soins avec moi. Encore maintenant cela nous a énormément rapprochés .Je n’ai pas repris de contraception après, les médecins me l’ont déconseillé, ils m’ont tous dit que mon corps n’avait gardé aucune séquelle et qu’il fallait que nous refassions un bébé tout de suite avant que nous ne nous braquions par la peur de refaire un bébé et revivre une tragédie comme ça, mais il fallait quand même que je reprenne des forces en raison du sang que j’avais perdu .

Nous remontons la pente tout doucement, aidés de psychologues et de notre médecin traitant. Je tien à dire que l’équipe médicale qui a pris notre urgence ce jour- là a été géniale et même après car ils venaient me voir plusieurs fois dans la journée pour voir comment j’allais et si je voulais en parler, de jour comme de nuit, ils ont tous été formidables, ils m’avaient même mise dans une chambre où je ne pourrais pas entendre de bébé crier pour ne pas que je souffre davantage. A l’heure actuelle je ne suis toujours pas enceinte, en même temps il n’y a que deux mois et demi, mais j’espère pouvoir redonner un petit frère à ma fille et à Ilan car ma fille se demande quand et où il se trouve ce petit frère dont on lui a souvent parlé, à qui elle faisait des bisous et des câlins dans mon ventre, elle ne parle pas encore bien mais je suis sûre qu’elle sent notre douleur, je le remarque bien à son attitude et j’ai 7 belles photos d’Ilan, je lui explique que c’est lui son frère, elle embrasse toujours les photos heureusement qu’elles sont protégées dans un album.

Voila, je pense vous avoir raconté toute l’histoire, cela me fait du bien de pouvoir raconter notre histoire. Merci de m’avoir lue.

ILAN mon amour, mon ange sache que maman, papa, ta sœur Lauryne et toute ta famille ne t’oublieront jamais.

Pour toi mon amour je t’aimerai toute ma vie durant, j’ai passé neuf mois merveilleux avec toi et ça personne ne me le prendra .

JE T’AIME infiniment mon amour je t’aime, je t’aime, je t’aime

MAMAN.