Gabriel

J’ai perdu mon petit Gabriel mort né le 4 janvier 2012 à 22 SA +2 jours. Ayant lu les témoignages d’autres parents sur le site, je souhaitais partager aussi les moments terribles que j’ai vécus en ce début d’année. Cela réconforte de savoir que l’on n’est pas seul, de pouvoir raconter ce qu’on a vécu à quelqu’un et de savoir que d’autres personnes peuvent comprendre notre douleur, ce qui n’est pas toujours le cas de l’entourage qui n’a pas vécu ce qu’on a vécu…Tout a commencé le jour du nouvel an, ce 1er janvier. Après un réveillon tranquille chez des amis en petit comité puisque nous avions tous des e nfants en bas âge, nous voici tranquillement à la maison lorsque ce dimanche soir j’ai des pertes de sang inhabituelles. Cela m’arrive de temps en temps depuis quelque temps, ainsi que des contractions, mais je me dis que c’est parce que je suis fatiguée car le rythme est soutenu au boulot et ma première fille de 2 ans est en pleine forme! Mais bon, mon gynéco que j’ai vu en décembre m’a dit que c’était normal, que ça pouvait arriver et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. D’ailleurs, il m’a fait une petite écho lors de ma dernière visite et m’a dit que tout allait bien!

Cependant, je dors très mal cette première nuit de janvier et ce lundi matin, nous décidons avec mon mari d’aller quand même à la maternité pour un contrôle, après avoir déposé la puce chez la nounou.

Arrivés à l’hôpital, nous sommes pris en charge assez rapidement; pas trop de monde après ce week-end de fête… Examens d’usage puis nous sommes dirigés vers la salle d’échographie. Jamais je ne pourrai oublier le visage crispé de l’interne à qui je demande plusieurs fois si mon bébé va bien et qui me répond à chaque fois “attendez” ou “un instant”, ni le visage de mon mari qui regardait le moniteur sans avoir l’air de comprendre et me faisait des petits sourires pour me rassurer. Jamais je ne pourrai oublier ces mots de l’interne: “la grossesse s’est interrompue, je suis désolée”. J’ai vraiment senti que tout basculait autour de moi. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivait: j’étais enceinte une minute plus tôt et là je ne l’étais plus! Ce n’est pas possible, c’est pas comme ça que ça se passe! J’avais l’impression d’être au bord d’un gouffre, que tout s’écroulait devant moi car toute cette année qui ne faisait que commencer devait tourner autour de la naissance de notre second enfant.

Un peu sonnée, le médecin est venu nous rencontrer, nous permettant de rester à l’écart des autres parents et femmes enceintes de la salle d’attente. Il fallait prendre des mesures et provoquer l’accouchement… qui n’aurait lieu que dans 2 jours…!!

Le personnel a été vraiment génial et m’a permis de rentrer chez moi en fin d’après midi après avoir pris le premier cacheton du protocole et avec la promesse de revenir le mardi soir. J’avais trop besoin de revoir ma fille, de l’embrasser et de la serrer dans mes bras comme je ne pourrai jamais le faire avec le bébé décédé que je portais encore dans mon ventre. J’essayais de ne pas trop penser au fait qu’il était mort à l’intérieur de moi car cela m’effrayait terriblement.

Je tiens le choc et mon mari et ma fille me déposent à la maternité le mardi soir. Je passe la nuit seule mais quasi incapable de dormir car je pleure énormément. L’équipe de nuit très gentille me propose de venir discuter un peu avec moi mais la douleur est très grande et je ne sais même pas quoi dire.

Les contractions ont commencé vers 6h du matin ce mercredi 4 janvier. Mon mari arrive vers 9h. Les conractions se font de plus en plus fortes et rapprochées, si bien que vers 11h30 je crois on vient me poser une perf de morphine. La douleur était bien plus intense que lors de mon premier accouchement et j’avais vraiment du mal à gérer. Puis soudain, la poche des eaux s’est rompue (événement que je n’avais pas senti lors de mon premier accouchement car elle avait été rompue juste avant l’expulsion) et là j’ai vraiment réalisé que j’allais accoucher de mon bébé mais je n’étais pas prête, c’était beaucoup trop tôt et surtout j’allais repartir sans lui.

La morphine a commencé à faire effet et j’ai pu respirer un peu. Descente au bloc pour l’accouchement. La sage femme et la jeune médein ont vraiment été formidables dans leur acompagnement et leur présence. 14h: Vient le moment de l’expulsion; je sens parfaitement sortir mon bébé mais il ne m’a pas été permis de voir ni de prendre mon petit garçon dans mes bras car il n’était pas beau à voir. Il avait 4 tours de cordon autour du cou et j’ai apris qu’il était décédé en fait depuis 3 à 4 semaines! Mon gynéco n’avait rien vu lors de ma dernière visite!!!

Je regrette énormément ce moment, même s’il n’était pas beau, c’était quand même mon bébé. J’aurais voulu pouvoir au moins une fois l’embrasser, le bercer, lui dire que je l’avais aimé depuis le premier jour où j’ai su que j’étais enceinte… avant qu’on ne le mette tout seul dans une boîte, dans le froid. Tout ce qu’il me reste, ce sont les photos des échographies réalisées de son vivant… et un grand vide.

Il était important pour nous qu’il soit déclaré car il fait partie de la famille; nous l’avons prénommé Gabriel, c’est notre petit ange.

Depuis la naissance de Gabriel, la vie a repris son cours, d’autres projets sont réapparus. Sa courte vie aura bouleversé la nôtre sur bien des points et aura en tout cas engendré de nombreux changements car nous ne voyons plus la vie de la même façon, et soudé notre famille. Mais il y a encore des moments qui restent difficiles pour moi, des fêtes ou des événements familiaux où il me manque beaucoup. Ce sont ces moments là où je me sens très seule avec ma douleur car même mon mari ne comprend pas que je réagisse encore comme cela alors que presque 5 mois se sont écoulés depuis la naissance.

Je voulais te dire que je t’aime mon petit Gabriel; la douleur s’atténuera je l’espère avec le temps, mais une chose est sûre: je ne t’oublierai jamais. Le lien qui nous unit c’est pour la vie.

Ta Maman.

Un dernier petit mot pour souhaiter bon courage aux mamans qui ont vécu une douloureuse histoire. C’était important pour moi de partager la mienne car j’ai l’impression d’être moins seule et que mon petit bout, lui non plus, n’est plus tout seul…

Stéphanie, mai 2012