Clothilde

“Pour un souffle d’elle,

J’aurais tout donné.

Mes journées les plus belles,

Et tous mes bonheurs passés.”

Mais voilà, la vie en a décidé autrement, ce 9 mai 2007.

Cela faisait 3 ans que mon mari et moi attendions ce moment. Héritage familial, j’ai dû au cours de ces 3 années, subir 3 interventions afin qu’on me retire de multiples fibromes. Puis en juillet 2006, notre chirurgien nous donnait le feu vert pour tenter notre belle aventure.

Et quel bonheur ce matin de Novembre, ce petit moment qui n’appartient qu’à la maman et au bébé : le test de grossesse dans la salle de bains qui se révèle positif. Alors ce secret devient trop lourd pour mon cœur de maman, et je le partage avec le papa, qui fond de bonheur.

La grossesse se passe sans souci, malgré des douleurs dans l’hypochondre droit. Une hospitalisation en janvier et une écho abdominale révéleront la présence de calculs biliaires. Alors j’adapte mon régime, je perds des kilos (mais j’avais des réserves !) et je reste allongée une bonne partie de la journée. Peu m’importe tous ces petits “sacrifices”, puisque c’est pour te voir mon ange.

La deuxième écho nous révèle que tout va bien, et que c’est une petite princesse que nous attendons. On fond devant ses mensurations : un petit nez de 7 mm, un pied de 5 cm…et un petit cœur qui bat si vite ! Mais tout va bien.

Nous nous moquions gentiment auparavant de nos amis avec enfants, car tout semblait tourner autour d’eux. Mais c’est tellement vrai ! La maison était devenue une pouponnière : magazines, livres de puériculture, layettes (tes grands parents se lâchaient !), et les listes que je faisais et refaisais pour être sûre de ne rien oublier ! Et ta chambre que l’on préparait…

Et puis ce matin du 9 mai, au réveil, une douleur intense toujours au même endroit, sous mes côtes droites. J’appelle les pompiers, qui contactent le SAMU et direction l’ hôpital. La douleur est si intense que je ne peux pas bouger. En arrivant à l’ hôpital, l’équipe vérifie que tout va bien pour toi et c’est le cas. J’entends à nouveau ton petit cœur. S’enchaînent alors les examens (radio, écho, scanner) puis une nouvelle écho et cette phrase qui tombe comme un couperet : “Sentez vous encore votre bébé ?” Non mais en même temps je suis tellement shootée par la morphine que je me dis que c’est normal. “Je n’ai plus d’activité cardiaque” me dira le médecin.

Alors je deviens un sac de viande : qu’ils me prennent, m’ouvrent, me triturent. Que m’importe maintenant puisque tu n’es plus parmi nous mon ange. On m’emmène au bloc, où sous anesthésie générale, on va te faire quitter ta dernière demeure : mon ventre, si rond, si beau, autrefois berceau et aujourd’hui tombeau. Deux heures d’opérations, un litre et demi de sang aspiré, quatre culots de sang transfusés, une vie envolée, et deux parents “désenfantés” et meurtris à tout jamais.

Le lendemain, le chirurgien me fait le compte rendu de mon opération : le placenta était allé s’insérer sur une partie de mon intestin au lieu de rester dans l’utérus (c’est ce qu’on appelle un placenta percreta). C’était en fait la cause de mes douleurs depuis des mois. Puis, mécaniquement, un jour la traction due au poids du bébé est devenue trop forte, et les vaisseaux ce sont rompus, emportant notre ange en quelques minutes. Le placenta avait totalement envahi mon utérus. Provoquant une forte hémorragie et obligeant l’équipe médicale à pratiquer une hystérectomie (ablation de l’utérus).

Ma douce Clothilde, tu as été, est et sera notre unique enfant.

Et depuis trois mois, après le choc, la colère, l’incompréhension, j’ai l’impression de sombrer dans un gouffre de plus en plus profond et de plus en plus noir. Y a t il là haut quelqu’un de si cruel pour me faire goûter à la joie d’être mère durant 7 mois, pour venir te rerendre et nous interdire à tout jamais d’être parent ? Jamais plus je ne sentirai ces petits coups de pieds dans le ventre, qui faisaient ma joie le matin au réveil. C’était notre bonjour à toutes les deux. Jamais tes rires et tes pleurs ne rempliront notre maison. Celle-ci semble maintenant si vide et silencieuse. Jamais plus la vie ne sera comme avant. Éteinte cette petite flamme qui illuminait nos regards. Ouverte à jamais cette plaie béante qui fait saigner nos cœurs de parents meurtris. Chaque jour sans toi est une souffrance, un jour de plus qui ne sert à rien. Si je n’avais pas l’amour de ton papa …Il est formidable et me soutient dans tous ces moments difficiles, qui sont aussi tant de souffrances pour lui.

Alors je te parle souvent ma douce Clothilde, et ta photo repose sur ma table de nuit. M’entends-tu ? Par mes yeux j’espère te faire découvrir tout ce que tu ne verras jamais. Par mon coeur, j’espère te bercer comme je l’aurais fait de mes bras de maman. Par mes larmes, j’espère prendre tes pleurs et tes douleurs.

Repose en paix mon ange, et sache que jamais nous ne t’oublierons.

Clothilde, à jamais dans nos cœurs et nos sourires…………..nous t’aimons.

Ton papa et ta maman

Laurent et  Sophie, août 2007