Cela fera 11 ans le 21 juin que notre petit Erick est né ; sans vie hélas, à 6 mois de grossesse !
Toute la famille attendait cette naissance avec joie et impatience ; il faut dire que 3 ans avant, nous avions eu la douleur de perdre notre fils Dimitri à l’age de 6 mois, d’une maladie génétique.
Imaginez le chagrin, le désespoir, lorsque l’échographiste (consulté exprès sur Paris pour éliminer tout risque !) nous a dit que la maladie avait récidivé.
Puis ce fut le tourbillon infernal : visite chez la généticienne, visite auprès d’un professeur de la maternité de Port-Royal, échographies, amniocentèse, retour dans les Ardennes ou nous habitions.
L’attente de l’intervention (interruption de grossesse) fut longue et pénible. Déjà, ils nous a fallu voir un psychologue, puis un anesthésiste, un autre médecin pour prendre la décision de mettre un terme a la grossesse ; mais surtout j’avais peur de ce bébé « anormal » dans mon ventre, je haïssais ce pauvre petit bonhomme dont le seul mal était de ne pas être parfait…
Puis ce fut le 21 juin, l’hôpital (toute seule mon mari n’ayant pas eu de congés), l’accouchement, isolée dans une salle comme une malade contagieuse. Le personnel était gentil mais je pense qu’il n’était pas formé à ces situations.
Enfin j’accouche au bruit des Tam-tams, le 21 juin Fête de la musique…
Je ne voulais pas le voir et puis je me suis dit : et si il est normal, si les médecins se sont trompés ? Alors j’ai vu mon Bébé, tout petit, tout bleu, peut-être pas joli, mais mon enfant que je venais de perdre !
La sage-femme ne me l’a pas donné, juste montré, vite, caché dans un champ opératoire et puis disparu.
Je n’ai pas pensé de demander qu’on me le rende après l’autopsie et personne ne m’en a parlé. Pas de papier qui atteste de sa naissance, pas de nom inscrit sur mon livret de famille, pas de photo : aucune trace de sa courte existence. Et puis les années passent, entre notre fille aînée et la naissance en 1995 d’une autre fille tout à fait normale et qui grandit joyeusement, on se dit qu’on finira non pas par oublier, mais par vivre avec !
Un jour de novembre 2002, je lis dans un magazine que désormais on peut reconnaître un enfant mort-né, même des années après ; et là je décide de faire quelque chose pour qu’enfin mon enfant existe. J’envoie un e-mail au journal pour avoir plus de renseignements, la rédaction communique le nom d’une personne dans le Nord-Pas-de-Calais : Karine. Je lui téléphone d’abord une première fois à tout hasard et je suis en relation avec une personne qui me donne de l’espoir : avec du temps et de la patience, me dit-elle, peut-être arriverai-je à avoir un certificat de naissance de la maternité, incroyable !!
Il s’en suit des mois d’attente plus ou moins longues , d’autre coups de téléphone à Karine que j’apprends à connaître comme une amie lointaine ( je suis en Dordogne) et patiente. La demande à l’hôpital où il fallait avoir un terme de grossesse au jour près était à refaire, mais on l’a enfin eue ! Après,écrire au procureur de la république de Paris en expliquant le pourquoi de ma requête. Un an s’était passé et le 12 février 2004,nous recevons enfin l’acte de naissance officiel au nom de Erick né sans vie,mais suivi de son nom de famille. Ce fut comme une seconde naissance pour lui, il existait réellement, l’acte le certifiait…
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin, je tente l’impossible, ivre de mes premiers succès : le faire inscrire sur notre livret de famille !
Karine me guide à nouveau. Mon mari et moi nous rendons à la mairie de notre domicile pour faire la demande. Là, le responsable de l’état civil ouvre deux gros yeux, il n’a jamais fait cela ; gentiment il remplit des formulaires, fait des photocopies et expédie le tout à la mairie de notre lieu de mariage et nous commençons une nouvelle attente. Il n’aura fallu qu’un gros mois pour qu’enfin nous recevions un nouveau livret de famille où tous nos enfants sont définitivement inscrits et chacun à sa place respective.
Voila, notre but est atteint après un an et demi, et nous en ressentons un grand soulagement. Ne croyez pas que rouvrir de vieilles blessures détruise votre équilibre familial, bien au contraire tout ce chemin fait ensemble a enfin cicatrisé ce mal qui nous rongeait lentement mais sûrement.
Et je voudrais dire que suite à l’écriture de cette lettre, ma fille aînée âgée maintenant de 17 ans, a lu ce récit à sa demande, ensuite elle est venue me voir et m’en a parlé chose qu’elle n’avait jamais faite ; je crois que pour elle aussi cela est bénéfique car elle a compris des choses que nous lui disions à demi mot et il n’y a plus ce poids du secret qui pesait entre nous.
Isabelle et Didier, mars 2004